TRADITION COMPAGNONNIQUE

La tradition des “compagnons“ donne, dans un langage parfois obscure, quelques indications sur l’ancien mode de fondation des édifices religieux. Cette tradition puise certaines de ses références dans la tradition antique. Laissons la parole à Henri Vincenot. Dans Les étoiles de Compostelle, à propos de la construction au XIIe siècle de l’abbaye de la Bussière, il nous livre le cœur du savoir compagnonnique.

… C’est ainsi qu’un matin, au petit jour, ayant enjougé les cinq paires de bœufs, les hommes descendirent à la Bussière pour conduire aux moines ces bois de charpente… Les moines étaient tous là : les blancs et les bruns… Ils étaient sur un tertre, une plate-forme bien plane de terre battue soigneusement délimitée par des fiches. Il y avait aussi une équipe de gars qui portaient une coule serrée à la taille par une courroie de cuir et un bonnet bizarre…  Celui qui semblait être le chef de chantier commandait pour l’heure huit hommes qui amenaient un grand pieu, bien droit, sorte de forte poutre, longue de huit à neuf mètres… En un rien de temps la poutre fut mise debout… Le pieu fut engagé dans un trou maçonné…(et) calé par quatre coins que quatre hommes enfonçaient à petits coups… (Le) chef s’était écarté de vingt pas et visait avec un fil à plomb. Il semblait rechercher la verticalité avec la plus grande rigueur.
Retenons :   L’espace sur lequel un pieu est dressé verticalement est parfaitement aplani (c’est le plan).

L’opération menée par les compagnons rend furieux le Prophète, sorte de sage venu du fond des temps, qui s’exclame :
– En bois, compagnons ?.. C’est en pierre que doit être la colonne. La colonne ! Cette relation figurée entre la terre, les étoiles et le soleil !
… La colonne !… C’est la première manifestation du temple issu de la terre ! Le premier rapport entre le lieu où nous sommes et le ciel…
Retenons :   Le pieu (la colonne) établit un lien entre la terre et le ciel.

… Tout à coup, l’arc aveuglant du soleil parut.
Les moines et les lais s’étaient vivement écartés. L’abbé, une fiche à la main s’avançait vers l’endroit où l’ombre de l’obélisque… se posait. Avec onction, il planta la fiche là où venait mourir l’ombre de l’extrême pointe de la colonne…
Retenons :   Le pieu sert de gnomon. L’extrémité de l’ombre est repérée.

L’opération a lieu ici au soleil levant de l’équinoxe, cette affirmation semble contestable puisque, nous l’avons vu, l’Est ou le soleil levant n’interviennent pas directement dans l’orientation des églises.

Le Prophète continue ensuite à haranguer les ouvriers…
Et maintenant, il chantait.
– Trois tables ont porté le Graal : une table rectangulaire, une table carrée et une table ronde, toutes trois ont même surface et leur nombre est 2 – 1
Et la colonne ? criait encore le Prophète. La colonne ? Je voudrais savoir quelle hauteur vous lui avez donnée à votre colonne, bande de chauves-souris myopes !
Retenons :   La hauteur de la colonne est choisie.
………………   Trois tables sont à la base du tracé : l’une est rectangulaire, la deuxième est carrée et la troisième est ronde. Leur nombre vaut 2 – 1.

Le “nombre 2-1“ attribué aux trois tables semble contredire l’affirmation selon laquelle elles ont même surface. Il paraît plutôt naturel de penser que 2 tables ont une surface de 1 et 1 table a une surface de 2. Mais quelle est la plus grande ? Et surtout, quelle signification donner à ces mystérieuses tables ?