CONTRAINTES URBAINES

L’orientation des églises serait liée à la hauteur d’un Poteau et à la hauteur du soleil le jour de la fête du saint. Pourtant, de façon manifeste, certaines d’entre-elles respectent le carroyage de l’urbanisation romaine primitive… La cathédrale Saint-Lazare d’Autun par exemple. N’y a-t-il pas là une contradiction ?

Il importe de garder en mémoire que le jeu symbolique de fondation fait intervenir plusieurs paramètres dont certains sont imposés. Il en est ainsi de la latitude du lieu et probablement du nom du saint patron. D’autres paramètres furent choisis par le Maître-architecte. Le Nombre de Fondation et les trois nombres fondamentaux (Poteau, Carré et Longueur) en font partie.

Le processus de fondation offre suffisamment de degrés de liberté pour que le Maître-architecte ait pu se fixer ou accepter des contraintes. En cas de liberté complète, il avait toute latitude pour donner une expression très riche aux paramètres de fondation. L’orientation finale en résultait. Cette situation semble, avoir été celle des églises de monastères et d’abbayes conçues et bâties, en général, sur de vastes espaces dégagés. Il en fut ainsi de Cluny III par exemple.

En revanche le Maître architecte pouvait accepter quelques contraintes. Dans ce cas, pour exprimer le message symbolique souhaité, il lui “suffisait“ d’adapter “au mieux“ les nombres fondamentaux. Il pouvait donc choisir, respecter ou approcher une orientation particulière.

L’abbaye de Fontenay en est un bon exemple. Son église se trouve orientée dans la direction du lever du soleil du 15 août. Il convient de saluer, d’ailleurs, le savoir faire du Maître de Fontenay car, depuis l’abbatiale, en raison des collines, il est impossible de voir et donc de viser le point où se lève “géographiquement“ le soleil ! En revanche une certaine proportion, simple qui plus est, entre Poteau et Carré lui a permis d’obtenir sans difficulté l’orientation voulue.

Les bâtisseurs pouvaient “approcher“ une orientation donnée quand, pour des motifs extérieurs, elle devenait souhaitable. La plupart des grandes agglomérations s’étant développées sur la base d’un carroyage romain, le tissu urbain constituait en effet une contrainte dont, bien souvent, il fallut tenir compte. Un cas flagrant est effectivement celui de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun dont l’axe est quasiment perpendiculaire à celui de la cathédrale Saint-Nazaire aujourd’hui disparue, à laquelle elle succéda. Le Maître architecte dut, au moment de la fondation de ce sanctuaire, trouver la “bonne“ formule de décomposition du Nombre de Fondation afin d’ajuster, au mieux, son œuvre sur l’orientation du decumanus (63° vers le Sud-Est).

Cette plasticité symbolique peut facilement être constatée. Sur un même site, les églises successives, généralement emboîtées, ont des orientations voisines, mais celles-ci diffèrent souvent de quelques degrés (cas de Chartres par exemple).

L’orientation d’une église n’est en fait que l’un des éléments révélateurs du message religieux. La longueur bien sûr mais également les autres dimensions participent à la concrétisation de cet objectif. Toutes ces grandeurs interviennent de façon liées. La “faiblesse“ de l’une peut en quelque sorte être corrigée par les autres.

Une église médiévale ressemble par bien des aspects à un instrument de musique. Elle est une sorte de caisse de résonance spirituelle mise en harmonie avec la Création. Le Maître bâtisseur devait donc parvenir à accorder l’instrument religieux en jouant sur toutes ses composantes. Pour obtenir le ton souhaité d’un instrument à percussions, il importe d’adapter sa hauteur à la surface de base. Pour une église médiévale, il en va de même. La longueur viendra compenser les effets d’un Poteau trop court ou d’un Double Carré trop réduit. Une orientation imposée pouvait ainsi être acceptée ou adaptée. L’important était que le Nombre de Fondation puisse s’exprimer de façon harmonieuse en chacun de ses trois composants.